Newsletter du SYFMER du 29 avril 2018

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Une stratégie nationale de réadaptation, fondée sur la pertinence, pour promouvoir l’autonomie

Nouvelle classification en SSR : perdue dans l’espace statistique ?

 

Le CNP de MPR a récemment adressé un rapport collégial à la DGOS, en réponse à un certain nombre de questions clés relatives aux SSR avec la difficulté de ne pas cantonner la fonction de réadaptation dans le seul champ des SSR, a fortiori au moment où se dessine le virage ambulatoire. Le CNP et ses organisations constitutives participent à des travaux à la DGOS ayant pour objet de concevoir les futures orientations pour le SSR : il s’agit de définir les besoins, les missions, les pratiques et les organisations. Ces thèmes ont également été abordés lors du forum des pratiques professionnelles de Montpellier. Les travaux seront ultérieurement reliés à la question du modèle de financement avec la question cruciale d’une classification à visée tarifaire reflétant la pertinence des soins. La classification SSR 2018 est la même qu’en 2017. La future classification SSR, prévue initialement pour 2018, se dévoile dans un grand désarroi des tutelles. En témoigne cet appel d’offre sur la Plate-forme des achats de l’état 27/04/2018 sur le financement des activités SSR par la dotation modulée à l’activité. Le nouveau modèle envisagé est exposé dans cette présentation de la classification 2018 (session SSR, ENCC 2017) et dans cette dépêche HOSPIMEDIA. Il comporte :

  • Un Indice Synthétique de Lourdeur Médico-Economique (ISLE), qui est calculé à partir des variables de comorbidités associées valorisantes (CMA), des actes CCAM comptant comme CMA, de la dépendance physique, de la dépendance cognitive, de l’indicateur post-chirurgical ou de l’âge pour classer les séjours et semaines en 3 niveaux de lourdeur (au lieu des 2 niveaux actuels des GME). Des actes marqueurs identifient certaines prises en charge comme l’amputation avec la préparation du moignon ou l’utilisation de prothèses.
  • Un niveau de classification en « Sous-GN » est créé par subdivision des groupes nosologiques (GN), visant à « identifier explicitement certaines populations ou certaines prises en charge« .
  • Des groupes de Rééducation-Réadaptation (RR), calculés à partir des scores RR, sont censés traduire l’intensité des soins de réadaptation en trois niveaux : modéré, élevé, très élevé.

 

Selon Alfred Sauvy, « Les statistiques sont des êtres sensibles et délicats qui, soumis à la torture, livrent des avis conformes aux désirs des bourreaux ». Le système de classification français en SSR reste trop purement statistique. Il est encore incapable de soutenir une tarification équilibrée.

 

Les péchés capitaux de la classification française

En premier lieu, manque toujours l’essentiel : une spécification des processus clés du SSR distinguant les déterminants de l’hébergement et des soins. Cette lacune a été relevée par le Rapport de la Cour des comptes de 2012. Elle empêche une classification médicale des patients :

  • dans les déterminants de l’hébergement : il faut distinguer la nécessité de Soins médico-techniques importants (SMTI), celle d’une hospitalisation conventionnelle (HC) pour optimiser le statut fonctionnel et enfin celle d’une hospitalisation pour soins de transition vers un système de soutien à la dépendance et d’adaptation du milieu de La combinaison de ces déterminants conduit à distinguer ce qui relève de l’HC, de l’hospitalisation à temps partiel (HTP), ou de l’ambulatoire.
  • dans les soins eux-mêmes, il faut distinguer : instabilité médicale et surveillance, soins et environnement médico-techniques importants (SMTI), soins liés à la dépendance et soins de réadaptation requérant la mesure du statut fonctionnel et du potentiel de réadaptation*, facteurs socio-environnementaux (patient et ressources environnementales).

Nous manquons toujours d’un système de classification des patients pertinent à la fois pour les cliniciens et pour les payeurs et qui soit capable de soutenir des programmes à forte densité de RR.

La CIM et la CCAM doivent être combinées avec d’autres caractéristiques des patients, à d’autres actes marqueurs ou procédures marqueuses pour construire des groupes cohérents reflétant des finalités de prises en charge homogènes. Nous n’avons ni mesure robuste du statut fonctionnel, pourtant un des meilleurs prédicteur des coûts en SSR, ni outil d’évaluation du potentiel de réadaptation, ni outil d’analyse des facteurs socio-environnementaux. Ces outils sont indispensables pour soutenir un paiement fondé sur les caractéristiques des patients plus que sur la mesure de la quantité des soins reçus.

Le catalogue spécifique des actes de rééducation et réadaptation (CSARR) a fait l’objet de critiques sévères de la part de la mission ministérielle conduite par O. Véran. Il est jugé trop complexe, sujet à une trop grande hétérogénéité du codage dont le contrôle de la qualité est impossible. Aujourd’hui tous les professionnels peuvent coder tous les actes, sans définition précise du périmètre de la démarche de RR, laissant à l’appréciation de chacun les limites de ses compétences. La référence aux notes de contenu d’un acte global n’est plus obligatoire et laisse chaque codeur libre de l’interprétation de la nature rééducative de son action. Déconnecté de la pertinence de programmes de soins validés, il mesure de moins en moins les soins de rééducation-réadaptation mais dérive vers le recueil de tout soin pratiqué en SSR. Le CSARR doit donc être recentré sur les activités spécifiques dédiées à l’optimisation de la fonction. Il doit traduire l’intensité et la complexité des programmes conçus, coordonnés et mis en œuvre par les structures intégrées de SSR.

 

Un système de classification des patients pertinent doit être fondé sur les besoins de soins

Il faut donc proposer à la DGOS et à l’ATIH que l’évolution des travaux sur les SSR soit pilotée avec les objectifs suivants, qui sont cités dans le rapport de notre CNP de MPR, transmis à la DGOS:

Fonder la pertinence des orientations en SSR sur une classification des profils de besoins des patients : réadaptation, soins prolongés, hébergement de Trois cas sont possibles :

  1. Le jugement clinique intervient pour l’orientation mais il existe plusieurs systèmes de classification fondés sur les caractéristiques des patients mais sans système unifié de données. La pertinence des orientations peut difficilement être contrôlée a posteriori (la règle de 3 heures de rééducation dans Medicare n’implique pas que la quantité de soins reçus soit pertinente), quand les outils de recueil différent entre les rehab centers, les nursing homes, les soins prolongés et à domicile (USA, Australie).
  2. Il existe un système d’évaluation des besoins de réadaptation unifié dans un système uniforme de données (rehabilitation complexity scale de Turner-Stokes au Royaume Uni) qui intervient avant l’orientation, mais qui doit rester pondéré par le jugement clinique. Face à la substituabilité des orientations et l’asymétrie d’information, les USA, avec l’IMPACT ACT, sont à la recherche d’un système uniforme de données et de tarification pour les soins post-aigus.
  3. Il n’y a ni critères d’orientation précis ni outils d’évaluation des besoins comme actuellement en France. Les filières intégrées verticalement issue des textes de 2008 laissent l’orientation au seul choix du « prescripteur de l’aigu ». L’intervention de professionnels de réadaptation et d’équipes médicalisées

pour les cas complexes doit être promue. Il existe sur le terrain des filières structurées, des consultations avancées, des unités intégrées de réadaptation au sein des hôpitaux aigus, des équipes mobiles, etc. qui assurent cette fonction d’orientation, mais pas partout, avec les parcours chaotiques et les pertes de chances déplorées par les acteurs.

  1. Réformer les autorisations SSR en identifiant les grands processus de prise en charge et leur degré de spécialisation en structures intégrées (compétences et plateaux techniques). L’action publique, face à la rareté des ressources, doit proposer une gradation technique, territoriale et financière distinguant des niveaux primaires, secondaires ou La gradation ne doit pas se limiter au périmètre des SSR. La stratification des réponses doit suivre la complexité des besoins et la prévalence des profils requérant la réadaptation.
  2. Développer un système d’information intégré fondé sur les caractéristiques des patients. L’enjeu est d’apprécier la pertinence des parcours de soins selon la logique des cliniciens des SSR et celle des Si ce travail n’est pas bien fait, ces derniers prendront le contrôle des orientations à l’aide de gate-keepers. L’intégration par l’aigu, sous pression de la réduction des lits et des DMS, ne peut suffire à la coordination optimale des parcours.
  3. Choisir des indicateurs robustes et validés permettant des comparaisons internationales et l’identification des déterminants de la complexité des cas (travaux des coordinations Rhône-Alpes).
  4. Construire un système de classification des patients fondé sur un modèle coût-qualité. Ce système soutiendra l’alignement d’orientations pertinentes vers des programmes de soins hospitaliers ou ambulatoires, d’enquêtes nationales de coûts capables de refléter les processus fondamentaux de prise en charge et enfin l’alignement d’une classification à visée tarifaire équitable, qu’elle soit au séjour, à la journée, à l’épisode de soin ou hybridant ces différentes modalités de

 

L’outil de dépendance PMSI doit être remplacé par un outil validé et plus performant. Il faut enfin adopter un outil de mesure du statut fonctionnel de niveau international : MIF, MAF, SMAF, RAI, CARE, SAS de la SOFMER en cours de validation etc.). Mais pour introduire une mesure du statut fonctionnel crédible dans une classification pertinente pour les cliniciens et pour la prédiction des coûts, peut-on faire l’économie de la simplification radicale d’une mesure de la consommation de ressources de RR qui ne dit rien de la pertinence des actes?

Des indicateurs robustes peuvent permettre un gain de temps substantiel en conciliant orientation dans les parcours, évaluations cliniques et recherche et classifications tarifaires (ex. du statut fonctionnel). Les enseignements des systèmes internationaux , même si aucun ne peut être proposé comme modèle parfait en France, doivent nous permettre de rattacher notre pays au reste du monde en termes de qualité de l’offre de soins de réadaptation, du système d’information et du financement, que le financement ait pour unité la journée, le séjour, l’épisode de soins, ou plus raisonnablement une forme hybride de paiement.

La réadaptation doit être considérée comme la stratégie de santé du 21ème siècle. La transition épidémiologique rend de plus en plus intenable la fragmentation des réponses socio-sanitaires exigées par les besoins des patients en termes de pronostic vital, de pronostic fonctionnel et de pronostic social. Seule une vision systémique de la santé connectant réadaptation et politiques du handicap, promue par l’OMS et le white book européen de MPR, peut répondre aux enjeux de santé publique et remplir les devoirs des pays signataires de la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

 

Jean-Pascal Devailly, président du SYFMER, le 29 avril 2018 – Annonce de la journée SYFMER du 9 juin