Le projet Avenir SPE: un tournant dans la représentation des médecins spécialistes

Rédacteur : G. de Korvin

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Au début de cette année, je vous ai adressé une newsletter assez désabusée. Un projet de valorisation de l’activité clinique remis au calendes grecques, une absence de relève jeune en vue, la retraite qui approche… J’avais bien envie de délaisser la vie syndicale pour me consacrer à mon jardin, mes petites filles et mon bateau.

Mais voici que les lignes se mettent à bouger en cette fin d’année 2019. Faisant le constat que les projets politiques et les conventions médicales successives ne cessent de faire la part belle aux « médecins de premier recours », les spécialistes de l’UMESPE, section spécialisée de la CSMF, décident de se doter de statuts autonomes et de créer le syndicat AVENIR SPE qui sera la représentation bien identifiée des médecins spécialistes. Celui-ci pourra, en toute indépendance, porter haut et fort les revendications et les propositions de la médecine spécialisée, sans atermoiements ni censure imposée par l’une ou l’autre centrale syndicale pluricatégorielle. Le 12 janvier prochain, un vote permettra de valider cette évolution. Le SYFMER devra y prendre toute sa part.

Ce que je vous annonce peut vous paraître un peu obscur. Il est vrai que la vie syndicale de ces dernières années s’est peu à peu réduite à des discussions dans un cercle de plus en plus étroit et vieillissant. Les jeunes peuvent se demander en quoi cela les concerne, alors que l’alternative est claire : soit subir individuellement les contraintes croissantes imposées aux médecins par les énarques qui nous gouvernent, soit participer collectivement à promouvoir un système de santé à la fois efficient et respectueux de notre niveau d’expertise et des services dévoués que nous délivrons à nos patients.

Voici donc un bref rappel de l’histoire du syndicalisme médical, pour vous aider à mieux comprendre la situation actuelle et ses enjeux, enfin une description plus détaillée du projet AVENIR SPE.

I.   Petit rappel historique 

Créée en 1928, la CSMF est, historiquement le premier syndicat médical à s’être constitué. Voir à ce sujet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndicat_m%C3%A9dical. Une première scission a eu lieu en 1960, à la création de la première convention médicale entre Sécurité sociale et médecins. Les médecins hostiles à une convention médicale ont formé la FMF. Puis d’autres syndicats ont vu successivement le jour pour des raisons diverses.

Depuis sa création, la Convention médicale régit tous les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie. Elle impose les règles de notre exercice et notre tarification. Elle s’applique aussi à l’exercice privé des médecins salariés. Très peu de médecins exercent hors convention.

A l’origine, les syndicats signataires devaient être représentatifs de toutes les formes d’exercice : médecine générale et spécialités. La création de MG France en 1985 et sa reconnaissance par les Pouvoirs publics, a été une première entorse à cette règle. Plus récemment, le BLOC (chirurgiens et anesthésistes) a été admis à signer aussi la Convention.

La CSMF est une confédération composée de représentants départementaux (au départ, il y avait de vrais syndicats départementaux, d’où le terme de confédération), de représentants de la médecine générale et de représentants des spécialités (appelées verticalités dans le jargon CSMF). Dans les années 90, les généralistes de la CSMF se sont structurés au sein de l’UNOF (Union nationale des omnipraticiens de France) et les spécialistes au sein de l’UMESPE (Union des médecins spécialistes confédérés). Le 13 septembre 2016, l’UNOF s’est dotée des statuts d’un vrai syndicat, bien que clairement positionné au sein de la CSMF. Les statuts de l’UMESPE sont restés ceux d’une « union » à l’ombre de la CSMF.

La situation est similaire à la FMF et au SML, qui sont toujours des syndicats polycatégoriels. Côté généralistes, MG-France a acquis une position de leader incontesté. Côté spécialistes, seul le BLOC a constitué une force indépendante et parfaitement audible auprès des Pouvoirs Publics, mais il ne roule que pour les chirurgiens, les obstétriciens et les anesthésistes.

II.   L’histoire récente

Les négociations conventionnelles, particulièrement celles de 2016, ont montré une duplicité croissante des représentants de l’UNOF, de plus en plus proches de leur ancien concurrent MG-France, ce qui a débouché sur une Convention médicale taillée pour la médecine générale et ne laissant qu’une part chiche à la médecine spécialisée, confinée au « second recours » et sans lui reconnaître des moyens particuliers. Nous en avons eu l’illustration en 2016 quand notre projet de valorisation des actes cliniques a été mollement défendu par la CSMF et vidé de sa substance par l’Assurance maladie.

Au sein de l’UMESPE, une tendance s’est peu à peu dessinée pour doter la médecine spécialisée d’une représentativité plus forte et plus ouverte aux spécialistes des autres syndicats polycatégoriels. A l’initiative de Patrick GASSER, son président, l’UMESPE a d’abord fait évoluer son nom vers « LES SPE CSMF ». Puis est né le concept d’AVENIR SPE dont la formule, simple plateforme de concertation, fédération syndicale ou structure autonome, est restée un peu floue pendant un an. Toutefois, les tensions croissantes avec le président de l’UNOF et celui de la CSMF, Jean-Pol ORTIZ (pourtant néphrologue) ont trouvé leur apogée à la suite des récents Etats Généraux de la médecine spécialisée (Paris, 17 novembre 2019). Au lieu d’accompagner la démarche des SPE de manière constructive, ORTIZ a brandi une menace d’exclusion en direction de ceux qui soutiendraient le projet AVENIR SPE.

Patrick GASSER a tenu bon et a convoqué une assemblée générale de l’UMESPE (le dimanche 8 décembre) pour lui soumettre les statuts d’un nouveau syndicat AVENIR SPE. Faute de quorum, il n’y a pas eu de vote, mais un débat ouvert, où chacun a pu exprimer posément sa position. Quelques-uns se sont déclarés franchement hostiles à ce projet (surtout les gastroentérologues et néphrologues), certains franchement favorables (radiologues, anesthésistes, endocrinologues, dermatologues, pédiatres), enfin d’autres se sont montrés partagés entre l’envie de renforcer la représentation des spécialistes et un attachement (surtout émotionnel) à la CSMF. Le SYFMER, représenté par Jean-Pascal Devailly et moi-même, s’est positionné en faveur du projet, tout en laissant ouverte la possibilité de maintenir un lien avec la CSMF. La réunion s’est conclue sur la nécessité de poursuivre le débat avant une Assemblée générale extraordinaire prévue le 12 janvier prochain.

Le lendemain de cette réunion à laquelle il n’avait pas participé, Jean-Pol ORTIZ a publié un communiqué de presse triomphant, intitulé « les spécialistes décident de rester à la CSMF ». Ceci a été vécu comme une fake news manipulatrice, visant à déstabiliser le projet AVENIR SPE. Au contraire, les réactions n’ont pas manqué pour dénoncer cette manœuvre quelque peu florentine.

D’ores et déjà, il existe un noyau bien déterminé à faire aboutir le projet AVENIR SPE et à transformer l’UMESPE en un syndicat pleinement représentatif des médecins spécialistes.

III.   En quoi consiste Avenir Spe ?

Les syndicats de spécialités (exclusives) seront le cœur actif du nouveau syndicat AVENIR SPE. Les statuts prévoient néanmoins de multiples possibilités d’ouverture, aussi bien à des adhérents directs qu’aux représentants d’organisations extérieures : centrales pluricatégorielles (sans exclusivité), syndicats de jeunes médecins spécialistes, et même, spécialistes salariés.

Un médecin intéressé par le projet AVENIR SPE ne doit pas être pris en otage par une organisation hostile. D’autre part, nous pensons que beaucoup de jeunes médecins auront une activité mixte, à la fois salariée et libérale. Enfin, si les problématiques peuvent être différentes selon les milieux d’exercice, la promotion politique de la médecine spécialisée est un point de convergence fort.

Les statuts d’AVENIR SPE prévoient une organisation en collèges, dont un pour les spécialités cliniques, où nous aurons loisir de nous unir pour remettre en avant la place que nous voulons tenir dans l’organisation des soins et la valorisation de notre activité : suppression des inégalités pour l’accès au Secteur 2, aménagement plus équitable de l’OPTAM et remise à niveau de la hiérarchisation des actes cliniques et techniques. Notre objectif n’est pas une médecine subventionnée, mais une rémunération à hauteur des prestations que nous offrons aux patients et, indirectement à la Société, de manière à pouvoir financer un outil de travail moderne et humanisé, tout en bénéficiant d’un revenu digne de notre formation et de nos efforts.

Entendons-nous bien : il n’est pas question d’attaquer ni critiquer les médecins généralistes qui sont, par ailleurs nos correspondants et avec qui nous devons collaborer efficacement sur le terrain. Notre objectif est d’avancer librement et sans complexe, selon une logique qui nous appartient et sans demander la permission à personne d’autre.

IV.   Conclusion

Je continuerai de m’investir quelques temps pour que la MPR ne perde pas le bénéfice de ces actions mais, plus que jamais, il est urgent que des jeunes s’engagent à nous soutenir et à prendre le relais. J’ai déjà obtenu que l’AJMER soit admise à assister aux réunions du Comité directeur. Je lance un appel pour qu’elle s’intègre à part entière dans le nouveau syndicat AVENIR SPE, ce même que nous l’avons associée depuis longtemps au SYFMER. A vous de vous manifester sans tarder !

 

Bonnes fêtes de fin d’année !

Georges de KORVIN

Président honoraire du SYFMER