Madame la Directrice Générale
DGOS
14 Avenue Duquesne 75350 PARIS 07 SP
Paris, le 18 décembre 2017

Objet : Réforme du financement des injections de toxine botulique en MCO en 2017

Madame la Directrice Générale,

L’arrêté « prestations » explicitant les évolutions apportées à la classification et aux règles de facturation des séjours pour l’année 2017, a introduit des modifications, notamment sur l’administration des médicaments de la Réserve Hospitalière en « environnement hospitalier», tels que la toxine botulique. Par voie de conséquence, un forfait Sécurité Environnement (SE5) a été créé pour les actes d’injection de toxine botulique ci-dessous :

  • BALB001 : Séance d’injection unilatérale ou bilatérale de toxine botulique au niveau des paupières
  • PCLB002 : Séance d’injection de toxine botulique dans les muscles striés par voie transcutanée, sans EMG
  • PCLB003 : Séance d’injection de toxine botulique dans les muscles striés par voie transcutanée, avec EMG

Depuis le 1er mars 2017, les injections de toxine botulique, réalisées antérieurement à cette date en Hospitalisation de Jour (HDJ), doivent être pratiquées en environnement hospitalier, impactant donc fortement la prise en charge des patients souffrant de maladies neurologiques à l’origine de spasticité majorant leur caractère handicapant (actes CCAM PCLB002 et PCLB003).

En effet, le tarif du SE5, nouvellement créé pour les injections de toxine botulinique (180 euros dans le public et 175 euros dans le privé) 1, est deux fois inférieur à celui de l’hôpital de jour (GHM 01K04J – Injection de toxine botulinique en ambulatoire : 367,40 euros dans les établissements publics et 302,26 euros dans les établissements privés) 2.

Ce forfait SE5 est inadapté à la prise en charge des patients spastiques car la nécessité d’injecter de nombreux muscles, souvent volumineux, implique des doses de toxine botulique dont la moyenne des coûts n’est pas couverte par le forfait.

Même si l’arrêté « prestations » laisse la possibilité de facturer une HDJ selon les critères fixés dans l’instruction frontière 2010 (critère du terrain à risque pour les injections de toxine botulique dans le traitement de la spasticité des membres), de nombreux rapports (IGAS/IGF, Mission Véran) démontrent les imprécisions des critères « frontière ». Le critère du « terrain à risque » est d’ailleurs souvent rejeté lors de contrôles de l’Assurance Maladie.

De plus, une interprétation hétérogène de ces critères a conduit à une iniquité de traitement entre les établissements hospitaliers du fait de l’appréciation variable des médecins contrôleurs.

1 Arrêté du 13 mars 2017 fixant pour l’année 2017 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l’article L. 162-22-10 du CSS
2 Arrêté du 13 mars 2017 fixant pour l’année 2017 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale

Les modifications réglementaires de ce début d’année ont donc entrainé le déclassement d’une partie importante de l’activité d’hôpital de jour. A l’heure du virage ambulatoire, ceci fragilise l’hôpital de jour des établissements hospitaliers et son financement. Faute d’un financement adéquat, les patients ne pourront plus être pris en charge que ce soit en environnement hospitalier ou en HDJ, conduisant ainsi à des ruptures du parcours de santé. Chez les patients atteints de maladies neurologiques lourdes, souvent polypathologiques, souffrant de limitations fonctionnelles multiples à l’origine de situations de handicap complexes, les retards dans la prise en charge peuvent avoir des conséquences fonctionnelles graves et majorer la perte d’autonomie. La carence en prestations de soins et la difficulté de pérenniser les traitements risque de retentir sur la qualité de vie de ces patients. Or, la loi du 12 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire et promeut l’égalité de l’accès aux soins pour tous.

Par ailleurs, il est à noter que le montant du tarif de l’HDJ pour injection de toxine botulique dans les membres (GHM 01K04J) reste insuffisant pour couvrir les frais liés à la prise en charge des patients spastiques, estimés à 528 euros3 en moyenne par séance d’injection. La prise en charge de ces patients, à risque majeur de situations de handicap, relève d’une prise en charge globale, pluridisciplinaire (MPR, neurologue, kinésithérapeute, ergothérapeute, etc.), pluri-médicamenteuse, dont la toxine botulique de type A. Elle est très consommatrice de temps, de ressources humaines et matérielles. Elle nécessite de plus la réalisation de diagnostics d’évaluation cliniques et/ou instrumentaux afin de définir les objectifs de traitement du patient.

Les évolutions de la campagne budgétaire 2017 compromettent donc fortement la pérennité de cette activité en MCO alors qu’aujourd’hui la majorité des injections de toxine dans le traitement de la spasticité des membres y sont réalisées (60%)4.

Le tarif du nouveau forfait SE5 pour l’injection de toxine botulique n’est pas compatible avec la prise en charge de la spasticité. Il en est de même du tarif de l’HDJ (GHM 01K04J), compte tenu de l’hétérogénéité des profils de patients et des doses injectées entre les différents types d’unités pratiquant ces injections. Nous sollicitons la poursuite des travaux relatifs au financement des injections de toxine en associant professionnels hospitaliers et approche médicale. Des études de coûts réels différenciant les profils de patients traités dans différentes structures de MCO et de SSR permettraient à court terme une réévaluation concertée des tarifs et ainsi une amélioration immédiate de la prise en charge des patients.

Nous vous prions de croire, Madame la Directrice Générale, en l’assurance de nos salutations les meilleures.


Jean-Pascal Devailly 
Président du SYFMER 

Francis le Moine
Président du CNP de MPR

3 Schnitzler A, Ruet A, Baron S, Buzzi JC, Genet F. Botulinum toxin A for treating spasticity in adults: Costly for French hospitals? Ann Phys Rehabil Med, 2015(58) ; 265-268
4 Bensmail D, Josseran L, Charles Baptiste C, Karam P. Prise en charge