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Ségur de la santé : le jour d’après n’est pas pour demain !

« La crise sanitaire est un révélateur et un accélérateur, il vous appartiendra d’en détailler les enseignements. » C’est par ces mots que le Premier ministre a ouvert, le « Ségur de la santé » lequel repose sur quatre « piliers » :

  • Revalorisation des carrières et développements des compétences et des parcours professionnels à l’hôpital et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
  • Plan d’investissement et réforme des modèles de financement ;
  • Mise en place d’un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif, le sens de l’équipe et l’initiative des professionnels ;
  • Mise en place d’une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social.

https://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2020-05-20/le-segur-de-la-sante-

Les grandes espérances des parties prenantes risquent d’être déçues tant les attentes sont importantes et diverses. Les acteurs s’accordent pour rendre la place qu’ils doivent avoir aux soignants, paramédicaux et médecins, dans tous les circuits de décisions, abattre les obstacles administratifs et les cloisonnements bureaucratiques qui stérilisent toute liberté d’organisation apprenante et agile. Les professionnels ont eu l’opportunité de s’auto-organiser. Cela a permis la réactivité requise par l’urgence sanitaire. Il faut redéfinir les stratégies fondamentales de santé pour mieux intégrer notre système. Sans être exhaustifs nous décrirons les attentes des hospitaliers, des libéraux et des étudiants. Voir la lettre des organisations du CNP à Olivier Véran

Pour le SYFMER la concertation ne peut se limiter au seul hôpital public. Les causes de la crise hospitalière résident d’abord dans l’amont et l’aval.

En amont : déserts médicaux, enlisement des rémunérations, restes à charge et recours aux urgences croissants liés à un virage ambulatoire purement incantatoire

En aval : défaut de spécification et de gradation des missions des SSR, d’où un financement inadéquat, absence de stratégie nationale, régionale et territoriale de réadaptation, sous financement des établissements médico-sociaux, incoordination des parcours de santé complexes.

Les attentes des hospitaliers

Revalorisation des carrières

Il était annoncé que tous les agents de la fonction publique hospitalière (à l’exception des médecins) pourraient bénéficier d’une première revalorisation qui interviendrait le 1er juillet 2020 et qui concernerait tant les titulaires que les contractuels. Dans un second temps, certains agents pourraient voir leur statut évoluer. Cette refonte doit dans l’idéal être achevée le 1er janvier 2021.

Le montant des revalorisations reste inconnu alors que la revalorisation de 300 euros net est la revendication centrale de la plupart des organisations. Elle équivaut à une enveloppe minimum de 7 milliards. De nombreuses organisations s’agacent dans l’attente de propositions concrètes et chiffrées. Pour le SYFMER les métiers de la rééducation doivent en bénéficier, ils n’ont pas encore été cités.

Le 24 juin, 6 milliards d’euros sont promis à destination des personnels non médicaux (infirmiers, aides-soignants, personnels administratifs et techniques…) des hôpitaux et EHPAD publics, mais aussi, pour partie, du secteur privé. Cette somme, ne comprend pas les investissements promis par le chef de l’Etat.

Logique de fermeture de lits et réforme de la gouvernance

Les organisations redoutent que des revalorisations salariales modérées laissent de côté les questions majeures d’organisation de l’hôpital, relatives notamment au nombre de lits. Les COPERMO favorisent une réduction des lits selon des normes comptables élaborées loin des territoires et des populations.

Concernant les médecins, Action praticiens hôpital, Avenir Hospitalier, la Confédération des praticiens des hôpitaux, Jeunes médecins et l’Inter syndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) ont signé le le 26 juin un communiqué commun intitulé « alerte à l’échec ». Ces organisations appellent ainsi à un « salaire de 5000 euros net en début de carrière à 10 000 euros net en fin de carrière hors primes et indemnités ». Ils attendent par ailleurs une « revalorisation de l’indemnité d’engagement de service public exclusif à 100 euros net pour tous les statuts quelle que soit l’ancienneté ». C’est à ce prix que pourra être assurée l’attractivité des carrières hospitalières selon les syndicats tous les deux ans. Bien loin de ces espérances, le gouvernement a proposé le 24 juin 300 millions d’euros à destination des quelque 100 000 personnels médicaux hospitaliers.

Plateforme commune de propositions des syndicats de PH sous ce lien

Pour le SYFMER, il faut embarquer avec l’hôpital public les ESPIC, le secteur privé à but lucratif et les libéraux dans la réforme. Il faut harmoniser le statut des médecins. Le SYFMER demande avec les organisations du CNP de MPR qu’une véritable stratégie nationale de réadaptation soit au cœur des travaux menés.

Les attentes des médecins libéraux et acteurs des soins de ville

Une enquête en ligne auprès des MPR libéraux, à la fin du confinement COVID-19, a été réalisée par Georges de KORVIN à partir d’une liste de 190 adresses de courriel, du 10 mai au 3 juin 2020. Voir le résumé page 4 et l’enquête sous ce lien.

Le Ségur de la santé  ne peut réussir que s’il repose sur les deux composantes majeures du système de santé français: l’hôpital et la médecine libérale. Le manque de personnels soignants est prégnant dans les deux secteurs. La relation ville – hôpital soit échapper au CHU- ou à l’hospitalo-centrisme. Il convient de rapprocher le rôle et les rémunérations des médecins libéraux français des autres pays européens et d’orienter les augmentations tarifaires vers l’embauche de soignants et, notamment, dans les cabinets médicaux. La médecine libérale de proximité doit disposer des moyens d’accueillir les patients avec du personnel et des locaux garantissant la qualité et la sécurité des soins et qui permettent aussi l’accueil des internes pour qu’ils découvrent la médecine libérale Communiqué Avenir Spé du 22 juin 2020.

L’organisation des soins de ville autour des CPTS doit permettre d’accentuer l’investissement dans le travail en équipes coordonnées entre les acteurs de soins primaires, les acteurs de soins secondaires et le secteur médico-social, sur chaque territoire. La régulation libérale des demandes de soins non programmés doit être réorganisée.

Les syndicats réclament l’ouverture de négociations conventionnelles, une réforme des nomenclatures et la fin des inégalités criantes entre disciplines en déshérence et disciplines à haut niveau de revenus. Les moyens peuvent être divers : meilleures cotations, espace de liberté tarifaire, nouveaux cadres d’exercice, amélioration des échanges avec le monde hospitalier et universitaire.

Les élections des Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS), l’an prochain permettront de mesurer la représentativité des syndicats et de la médecine spécialisée pour les négociations conventionnelles à venir. Pour AVENIR SPE, auquel le SYFMER adhère avec la majorité des verticalités, ce sera le baptême du feu.

Les attentes des futurs médecins

Le respect du temps de travail des internes, est un point fondamental pour l’interSyndicale nationale des internes (ISNI) et l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). Le syndicat demande donc le renforcement de l’application de la réglementation du temps de travail des internes.

L’ISNI demande 300 euros brut d’augmentation pour tous les internes et le doublement de la rémunération des gardes. Certains internes travaillent parfois jusqu’à 70 heures par semaine. L’ISNAR-IMG, compte demander le passage à six internes au minimum, contre cinq actuellement, pour ouvrir une ligne de garde.  Il faut favoriser les stages ambulatoires prévus par la réforme du troisième cycle.

L’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), demande un alignement du salaire des étudiants hospitaliers de quatrième année a minima sur celui des étudiants stagiaires de l’enseignement supérieur (390 euros net mensuel), ainsi que le “respect des droits” des étudiants hospitaliers (chambre de garde individuelle aux normes, sanctuarisation du temps de formation universitaire, prévention des risques psycho-sociaux).

Le secteur médico-social ne doit pas être oublié

Les EHPAD réclament davantage d’effectifs. Agnès Buzyn avait présenté une série de mesures : crédits supplémentaires, créations de places, plan d’investissement…

Selon le Dr Patrick Bouet (CNOM) : « Si le Ségur de la santé échoue, on sera au-devant d’une crise majeure »

Ségur de la santé vraie réforme ou opération de com ?

Santé mentale et Ségur de la santé

Les libéraux ne doivent pas être les oubliés du Ségur de la santé

Un Ségur de la santé, Un gouvernement qui confond vitesse et précipitation. La défiance s’installe (avenir SPE) – Communiqué intersyndical : un faux semblant ?

Enquête en ligne MPR libérale à la fin du confinement COVID-19

Cette enquête a été réalisée par Georges de KORVIN à partir d’une liste de 190 adresses de courriel, du 10 mai au 3 juin 2020. Les 64 réponses correspondent à un tiers de la liste, soit 20% des MPR libéraux. Cliquer ici

Profil des répondants

  • Les femmes sont sous-représentées, 2/3 ont plus de 60 ans, il y a moins de jeunes dans les agglomérations non universitaires. 95 % d’orientation locomotrice. La grande majorité sont des libéraux exclusifs mais 40 % ont un exercice mixte (moins chez les seniors).
  • Le Secteur 2 est devenu majoritaire chez les jeunes qui adhèrent alors à l’OPTAM dans la moitié des cas. L’exercice isolé est devenu minoritaire, surtout chez les jeunes, l’exercice regroupé est réparti entre ville et adossement à une clinique. La forme individuelle des bénéfices non commerciaux (BNC) est prédominante mais on note l’émergence des SEL.
  • Seulement 25 % ont remplaçant ou collaborateurs.

Pendant le confinement

  • 80 % des répondants ont eu une de baisse d’activité supérieure à 60 %, cette baisse est plus sévère encore chez les seniors. 1/3 a poursuivi une activité présentielle pour les urgences. 27 % ont repris par anticipation.
  • La téléconsultation n’a joué qu’un rôle marginal mais l’activité de coordination n’a pu être comptabilisée ni rémunérée.
  • L’effondrement des recettes n’a pas été couvert par la compensation CNAM, très insuffisante pour couvrir les charges. Il n’y a pas eu de revenu pendant la période de confinement. ¼ des répondants ont eu recours au prêt garanti par l’Etat, 50 % ont eu recours au chômage partiel.  Le recours aux autres aides est marginal.

Après le confinement

  • 1/3 sont confiants dans la reprise, 2/3 prévoient une baisse d’activité liée aux mesures barrières. 95 % prévoient une baisse de revenus sur 2020 (plus chez les seniors).
  • Seulement 1/3 prévoient de reprendre comme avant. Les perspectives sont de travailler plus ou de se restructurer. La téléconsultation restera marginale en MPR, partagée entre informel et plateformes payantes (peu de différences entre « jeunes » et seniors).
  • 2/3 envisagent des mesures pour optimiser les recettes, mieux utiliser les cotations (APC ?), augmenter les compléments d’honoraires. Chez les adhérents à l’OPTAM, 2/3 risquent de dépasser les limites.
  • 35 % des répondants sont proches de la retraite, 43 % d’entre eux pensent avancer leur départ, mais 20 % pensent le retarder… 60 % vont garder une activité après la retraite.
  • 48 % sont concernés par un regroupement dont 70 % l’ont déjà fait !
  • 39 % désespèrent de trouver un remplaçant, un collaborateur ou un successeur. C’est 52 % chez les seniors !

Perspectives

Une diminution de la demande de soins est à prévoir, mais ne devrait pas être durable. La MPR restera rentable en libéral pour 69 %, mais cela peut nécessiter des mesures de réorganisation pour 44 %. Seulement 10 % de très pessimistes. Le COVID a eu un impact économique sévère. Les aides sont très insuffisantes. La démographie est déséquilibrée vers les seniors. Les départs en retraite sont atténués par les départs tardifs et le cumul emploi retraite. Il convient de tout mettre en œuvre pour renforcer la MPR libérale : cotations, liberté tarifaire, réorganisation de l’activité… et à mieux faire connaître le libéral aux jeunes.